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rare que, soit pour une poule, soit pour un œuf, elle passât la journée sans ébaucher une querelle avec les voisins. Dans ces moments d’accalmie relaitive, elle jacassait, cancanait, médisait sur le tiers et le quart, de façon à faire battre les quatre murs de l’église ; c’est pourquoi, tout en l’évitant le plus possible, les commères prudentes n’osaient rien lui refuser comme prêt ou autrement. Cependant, elle avait ses bons moments ; était-ce tempérament ou retour tardif de sensibilité, on ne savait, mais il se rencontrait des heures dans sa vie où elle aurait donné jusqu’à son dernier son à celui ou celle qu’elle venait d’insulter ou de qui elle avait dit pis que pendre la veille.

Les paysans, toujours prompts à stigmatiser d’un mot un défaut ou un ridicule, l’avaient surnommée : la Bardasse, nom qui résumait à la fois son manque d’équilibre moral, son bavardage et sa méchanceté.

Pour en revenir à mon histoire, je disais donc qu’à l’heure où Marie Vignolet lavait ses choux à la fontaine, Catheline la Bandasse venait emplir sa cruche au bourneau.

Vraiment, Friquette jouait de bonheur : la vieille était en veine de bonne grâce, et, en outre, fort disposée à causer. L’une et l’autre s’entendirent donc à demi-mot, et la Bardasse, à son grand contentement, sut tantôt de quoi il retournait, si bien que, dans l’effusion de cœur que produisit sa curiosité satisfaite, elle offrit à la jeune fille de la tirer de peine.