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laquelle roulait grondeuse une source grossie par les pluies de la saison, s’élevait, s’abaissait, s’éclipsant ici pour reparaître plus loin ; toujours cheminant de la même allure saccadée et hésitante.

Enfant, je me suis mêlée une ou deux fois, par grande faveur, à ces troupes de paysans se rendant à la messe de minuit, et j’ai conservé la plus profonde impression de notre procession fantastique le long des sentiers verglacés que nous eûmes à parcourir. Je me souviens surtout d’uoe complainte patoise que chantaient les jeunes gens d’une paroisse voisine, se rendant de leur côté au service religieux. En voici le refrain tel que je le retrouve dans ma mémoire


Pe trafollâ le nant, le nant zo le vernes,
Allomà lo brandiôs, allomâ le lanternes.
Ohé ! Ohé
Si vos tardâ’co tant si pou,
Le cliar va sonnâ lo trâis coups.[1]


Les voix montaient vibrantes et claires dans le silence de la nuit, et le son, courant sur la neige, arrivai à nos oreilles aussi net que celui de trompettes de cuivre.

  1. Pour traverser le ruisseau, le ruisseau sous les aulnes,
    Allumez les torches, allumez les lantérnes.
    Ohé ! Ohé !
    Si vous tardez encore un tant soit peu,
    Le clerc va sonner les trois coups.