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quette, laquelle prolongea son somme si avant dans la matinée, que la mère Colastique, déjà fort irritée de l’équipée de la nuit, s’en vint vers le lit de sa fille avec le ferme propos de la secouer d’importance. Mais lorsque, à la lueur diffuse qui filtrait à travers les châssis huilés de l’étroite fenêtre, elle aperçut la figure rouge et bouffie de Marie couverte de grosses gouttes de sueur, lorsqu’elle entendit le souffle oppressé de son enfant passer en sifflant entre ses lèvres serrées, elle eut peur, et sa colère diminuant tout d’un coup de moitié, ce fut d’une voix presque anxieuse qu’elle interpella la dormeuse.

À l’aspect de sa mère, la Vignolette alourdie et haletante essaya vainement de se soulever : un soupir douloureux fut la seule réponse qu’obtint la charbonnière. Alors, sans plus de façons, la vieille la saisit par le bras, tâchant de la dégourdir à l’aide d’une taloche. La pauvrette, toute endolorie, cria miséricorde et jura qu’on l’assommerait sur place sans qu’elle pût seulement se retourner : son corps n’était qu’une douleur, sa tête résonnait comme un tambour. Devant de telles affirmations, la fibre maternelle s’émut de nouveau, et la grosse Colastique, perdant la tête, se prit à se lamenter si fort et si longtemps, que ses plus proches voisines vinrent s’informer de la cause d’un chagrin aussi retentissant.

Les plus avisées furent vite au fait de la situation, et sans perdre de temps à consoler leur commère, chacune se mit à soigner la malade suivant