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CHAPITRE V.


Ce que l’on apprend en cassant l’œuf
d’une poule noire.


C’était un personnage fort redouté celui que l’on attendait dans la maison du charbonnier de Tournalou. Aucun garçon, même des plus crânes et des plus solides du pays, n’eût osé sourire en voyant passer dans son étrange accoutrement ce grand vieillard aux traits durs, aux yeux couverts par des touffes de poils longs et raides comme les barbes des épis d’orge.

Vêtu d’une veste en peau de bique, d’une culotte de serge rousse, les jambes entourées de bandelettes de toile bise, il portait, en outre, hiver et été, sur son épaule, une peau de loup lui servant, suivant le besoin, de manteau, de couverture ou d’oreiller. Ses cheveux en broussailles tombaient en cascade blanche sur le col de son vêtement, et son chapeau en gros feutre noir, aussi large qu’un parapluie moderne, couvrait en partie son front plus ridé qu’une pomme de deux ans.

On ne savait rien de précis sur l’âge et sur le lieu de naissance de Gaspard-des-Embrunes. Avait-il eu des parents ?… C’était probable, mais nul ne s’en souvenait. Les plus vieux de la paroisse du Bourget-en-Huile, sa résidence hivernale, disaient que depuis tous les temps ils l’avaient vu partir au prin-