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qui me serrait le cœur chaque fois que j’entrais dans cette petite église de village simple et nue, mais pleine pour moi de la présence invisible de ce Dieu que l’on m’apprenait moins à craindre qu’à aimer.

Je n’ai jamais aussi bien prié que là, et je donnerais bien gros pour retrouver, à cette heure, une de ces naïves et profondes adorations de mon enfance.

Le prêtre était à l’autel ; l’asperges me était dit, mais sur la table sainte manquait encore le pain bénit qui devrait être offert. C’était un événement ; on se regardait avec anxiété ; quelques sourires à double entente se dessinaient sur les lèvres minces des commères jalouses. « Comment pouvait-on faire attendre ainsi Monsieur le curé ?… »

Enfin, au grand soulagement de tous, Fanny entra portant un superbe pain safrané, capable de fournir cinq ou six fois à la distribution ordinaire. Lallò n’accompagnait point sa sœur, et la jeune fille rouge et essoufflée paraissait avoir porté seule la charge depuis la ville. Elle dit un mot bas à l’oreille du clerc, et sortit un instant pour se donner le temps de remettre un peu d’ordre à sa toilette.

La messe s’acheva sans que notre ami parût. Une autre circonstance bien faite pour exciter la curiosité, ce fut l’absence de Marianne ; fait aussi remarqué que possible, dans ce milieu si étroit et si formaliste, si enclin surtout à créer des torts à la jeune fille.

Ce n’était certes pas dans les habitudes du