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« Quinsonnet » de manquer une occasion de se montrer dans de nouveaux atours, et tout le monde savait que Marianne se préparait, dès longtemps, à briller à la célèbre vogue. Pourquoi donc était-elle demeurée à la maison ? Ce fut là l’objet des commentaires sans fin des villageois et villageoises, au retour de l’église.

Pressés de savoir à quoi nous en tenir et aussi de recevoir notre part du crochon promis, toute notre jeune bande prit par la dressière[1] de « vire avà » (tourne en bas) pour arriver plus tôt chez les Descolaz. Là, grandes furent notre surprise et notre peine d’entendre à l’intérieur de la maison une violente dispute dans laquelle tantôt les voix de Pierre Descolaz et de la mère Jeanne s’élevaient grondeuses et menaçantes, tantôt celle de notre ami Lalló reprenait contenue et irritée tout à la fois.

Pris de peur, nous déguerpîmes sans mot dire, en ayant, toutefois, assez saisi de la discussion pour comprendre que le père et la mère reprochaient à leur fils d’avoir manqué l’office de la paroisse, pour quelque commission ou quelque fantaisie de sa cousine ; et la Jeanne, à bout de patience, avait fini par cette phrase qui nous terrifiait : « Va, Lallò, Dieu te punira, c’est moi qui te le dis ; tu ne veux pas nous écouter, mais la Marianne fera ton malheur ! »

Sur cette terrible menace les voix s’étaient tues, et nous nous étions éloignés.

  1. Sentier de traverse sur une côte rapide.