Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 216 —

Mais peu à peu, sans que sa volonté y fût pour rien, ce bûcheur forcené sentit diminuer son énergie, s’apaiser sa soif de lucre, son ambition de posséder, en même temps que naissait en lui un inconscient besoin de repos, un vague désir de bien-être, en même temps que lui venait la lointaine perception de satisfactions inconnues répondant à des penchants vicieux non cultivés jusque-là. Cette vilaine âme muait : elle changeait de vices, ne pouvant changer de peau.

Tout, dès lors, prit autour du tabellion un autre aspect. Il vit que sa maison était sombre et vide, que ses habits étaient crasseux et étriqués, que ses meubles disloqués tombaient pièce à pièce ; pour la première fois depuis qu’elle relavait ses assiettes, il regarda la Botolion et la trouva abominable, son service déplaisant, sa cuisine immangeable. Et quand il eût vu tout cela, il devint triste, inquiet, ne sachant ni ce qu’il souhaitait, ni ce qu’il ne voulait plus. Le travail lui fut pénible ; il oublia les âpres contentements des temps jadis, alors que chaque ligne, chaque mot, chaque lettre lui valait quelques liards de plus.

Il voulait autre chose, et ne sachant où chercher l’objet de ses nouvelles convoitises, il se sentit insupportablement malheureux.

Et les gens de la Rochette, et tous ceux des environs, qui s’aperçurent de son changement d’humeur et d’allures, devinrent aussitôt gais et pleins de contentement.