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extrémités du verger immense, sous de larges pommiers branchus, des violons criards et des tambours d’occasion, marquaient la mesure aux danseurs qui avaient quitté veste et gilet pour être plus à l’aise.

Toute cette jeunesse s’en donnait à cœur joie ; mais le couple le plus admiré, celui qui, au dire des connaisseurs, s’en tirait le mieux et avec le plus de grâce, c’étaient nos amoureux, Marianne et Lallò. Aucun souvenir de la scène du matin ne paraissait troubler la quiétude des deux jeunes gens. Marianne resplendissait dans sa toilette fraiche et gracieuse ; Lallò paraissait oublier tout ce qui l’entourait pour le bonheur de passer le bras autour de la taille de la belle jeune fille.

Nous allions, nous, d’un groupe à l’autre, ouvrant de grands yeux devant les étalages de sifllets d’un sou, admirant les tours de force des saltimbanques invitant les badauds à entrer dans leur baraque branlante, et grignotant à belles dents les vogues et les chéretons[1] que l’on nous avait achetés en arrivant.

Au bout de quelques heures de ce plaisir fait de vacarme et de mouvement, les promeneurs devinrent plus rares chacun songeait au retour. Nous dûmes partir les premiers, bien à regret, et non sans nous être fait prier longtemps. L’autorité maternelle nous contraignit, en fin de compte, à re-

  1. Sorte de giteaux safranés.