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prendre le chemin du Chaffard, où nous arrivâmes à la grande nuit, dormant d’un œil et tirant d’une jambe, la tête bourdonnante encore de musique, de cris, de rires et de chansons.

Bientôt après, nous dormions tous sans entendre la voix lointaine des vogueurs attardés sur les grandes routes, chantant quelques-unes de ces complaintes dont le rhythme triste et doux s’harmonisait avec le silence et le recueillement d’une nuit d’été.

Les deux semaines qui suivirent ce dimanche-là, se passèrent sans incidents. L’ouvrage pressait ; la fin de la moisson, très en retard cette année-là, et le fauchage des regains occupaient tous les bras. C’était un grand entrain à la ferme et partout.

Comme nous aimions ces temps de moisson et de fenaison ! Partis, dès le matin, avec une troupe quelconque d’ouvriers, choisissant de préférence la plus nombreuse, nous écoutions avec un plaisir indicible les contes, les chansons, les mille cancans bavards des travailleurs insouciants. C’était là que se répandaient tous les bruits, toutes les médisances, les nouvelles du canton ; chacun apportait sa part de réflexions malignes, et les rires payaient amplement la peine des conteurs.

Puis, le dîner sous les arbres, au bord des champs d’épis mûrs, l’eau que l’on allait puiser à la fontaine, les mets que l’on se partageait sans façons, le bon sommeil que l’on faisait pendant les chaudes heures du jour, sur les gerbes empilées ou