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rez par la Rochette, venez me voir ! dit le tabellion remettant en poche sa monnaie.

— C’est entendu, j’irai pour la Noël qui vient… En attendant, que le bon Dieu vous garde, monsieur Thibaut !

— Merci, merci, dit prestement le tabellion, déjà hors de la baraque et désireux d’en finir au plus vite.

Et tirant des deux jambes, notre homme suivit la jeune paysanne en avance de quelques pas sur lui.

La Jeanne des Avé, immobile sur le seuil de la masure, le regarda s’éloigner dans la nuit devenue plus claire, maintenant que la lune avait tourné les crêtes boisées de la Table et les collines de Rotherens et du Verneil.

— Va ! murmura-t-elle. Oui, ça se retrouvera avec tout le reste…

Et, faisant signe à sa chèvre, la mendiante rentral avec elle dans son misérable réduit.

Si d’aventure un montagnard attardé eût longé la ferme pleurante des Allisses un quart d’heure après le départ de maître Jean, il ne se fût certes pas douté que des êtres vivants venaient d’y passer plusieurs heures. Nul bruit intérieur, si ce n’est l’éternel frémissement de toutes ces choses mortes ; aucune lueur, aucun mouvement, nul indice de vie humaine n’apparaissaient plus autour de la vieille masure, et le lendemain et les jours suivants personne ne put dire avoir vu rôder dans le pays la