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former, réfléchir et se souvenir, son retour était resté énigmatique. Il n’y avait de certain que la perte de Rustique, dont il avait dû payer le prix à son maître, après l’avoir longuement discuté.

L’apparition de la nouvelle domestique dans les rues de la Rochette fit naître plus d’un sourire, et quelques bonnes langues disaient, en se pinçant les lèvres, que le Rogne-Clou n’était pas aussi fou que l’huissier Riton avait voulu le dire.

Les petits cancans allèrent bon train pendant quelques jours ; mais en remarquant le maintien doux et modeste de la jeune fille, sa figure si pâle et si triste, on se dit qu’avec cet air-là elle devait certainement être sage. D’ailleurs, on avait rencontré quelquefois le notaire, et, à le voir sombre et préoccupé, ou pouvait être sûr que cet homme n’était pas heureux dans son ménage.

La mère Coppet, une des commères les plus bavardes de la localité et qui avait été une des premières à mal juger la domestique, était devenue son défenseur. Elle aurait mis sa main au feu pour soutenir qu’elle était honnête.

Maître Jean Thibaut, lui, n’avait pas besoin d’être converti. Du premier moment qu’il avait vu la jeune fille, il s’était senti subjugué. Son extérieur, du reste, était plutôt agréable ; à des traits réguliers elle joignait une grâce naturelle qui, avec son air maladif et souffrant, attiraient tout d’abord l’intérêt et la sympathie. Sa mise était simple, mais toujours d’une propreté irréprochable. Quant à sa démarche,