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Vous jugez de la stupeur qui accueillit ces paroles, dites d’une voix haletante et oppressée.

Le fermier entra ; il était ruisselant de sueur.

— Ah ! pauvre dame, à notre secours ! mon garçon est perdu ! cria-t-il en joignant les mains.

Grand’mère effarée le pressait de questions, mais il paraissait hors d’état de s’expliquer.

— Qu’est-ce donc, mon pauvre Pierre ? Que faut-il ? Qu’est-il arrivé ? Est-il tombé ? Mon Dieu, mon Dieu, dites donc vite !…

Toutes ces interrogations étaient faites sans suite, entremêlées des lamentations de Josette, notre cuisinière, et d’exclamations de ma part. Le vieux fermier fit un effort violent, comme s’il s’arrachait les mots de la poitrine :

— Dame ! exclama-t-il, je vous dis qu’il est perdu ! il est enragé !…

Grand’mère jeta un cri d’effroi. Josette se signa.

— Enragé, Pierre !… Oh ! ce n’est pas possible ! Je l’ai vu hier matin encore. Enragé ! mais comment, comment cela est-il arrivé ?

Pierre pleurait ; il ne pouvait plus parler, sa voix expirait dans sa gorge. Cependant nous comprimes que le mal de jambe dont souffrait Lallò provenait d’une morsure qu’il avait reçue, le fameux dimanche de la vogue, lorsqu’il revenait de Chambéry. Le jeune homme, froissé des reproches qu’il avait eu à subir de la part de ses parents, s’était tu sur cette circonstance que, d’ailleurs, il croyait sans gravité.