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leur côté, les parents de Claude ne voulaient point entendre parler de ses projets, quelque éloignés qu’ils puissent paraître, François leur aîné ayant arnené déjà une belle-fille dans la maison, ce qui, à leur dire, suffisait amplement pour mettre la misère au landier.

Donc, les pauvres amoureux continuaient à passer leurs veillées d’hiver et leurs après-vêpres d’été ensemble, sans trop savoir ce qu’il adviendrait plus tard, supportant les lazzis des uns et les remontrances des autres avec bonne grâce mais bien décidés à en arriver un jour ou l’autre à leurs fins.

— Mais, mon garçon, disait Bernard, quand vous seriez tous deux en âge et que je te dirais oui, où en serais-tu tout de même ?… As-tu seulement de quoi ferrer ta femme ?…

Cela, c’était vrai de reste : notre galant n’aurait pas su où prendre les trois louis nécessaires à l’achat de la croix avec son cœur d’or et la bague d’argent, qui constituaient ce qu’autrefois on appelait la ferrure de l’épouse.

Et c’est parce qu’il pensait à toutes ces choses qu’il était bien triste et bien découragé, Claude Porraz, chaque fois qu’il quittait la Maurise pour retourner au Chaffard, où ses parents demeuraient.

Dans ce temps-là, le grand Napoléon prenait tous les garçons depuis l’âge de dix-huit ans pour les emmener avec lui faire la guerre aux quatre coins de l’Europe ; il ne laissait dans les villes et les villages que les bossus, les borgnes, les boiteux et les