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Au fond du cœur, il eût peut-être bien désiré que la Maurise ne se fût pas entêtée à aimer son Claude, mais il ne se sentait ni la force, ni la volonté de la contrarier. Elle ne voulait pas ?… Eh bien ! elle ne voulait pas, puis voilà ! Si elle restait à marier, elle ne resterait pas à mourir, après tout ! Chacun n’était-il pas maître de sa peau, aussi bien une fille qu’un garçon ?

C’était, d’habitude, par ces raisonnements assez concluants que se terminaient les fréquentes altercations des deux vieux, qui, du reste, avaient toujours lieu en l’absence de leur fille.

Celle-ci, sans en avoir l’air, n’ignorait pas ce qui se passait entre son père et sa mère, et c’était son crève-cœur, mais elle se sentait devenir toute froide à l’idée de prendre un autre mari que le canonnier, comme on l’appelait dans la paroisse.

Certainement, du train dont les choses marchaient, elle avait encore de belles croûtes à manger avant d’être sa femme !… Claude lui avait dit assez souvent que le gros Porraz ne voulait pas deux belles-filles à la maison, et que s’ils se mariaient, il leur faudrait aller en ferme tout de suite.

Etre fermière ! ah ! cela ne l’effrayait pas la courageuse jeune fille, bien au contraire ! Avoir des bœufs, des vaches, des poules, se sentir sur les bras autant de besogne qu’on en peut faire, avoir de la peine, des embarras, un grand branle en un mot, quel rêve pour la Maurise ! Mais pour cela il aurait fallu des avances, de l’argent pour le cheptel, de