Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 24 —

après s’être bien consultés tous deux, l’un était reparti en branlant la tête, et l’autre avait promis de revenir au matin.

Puis, c’était le tour des remèdes, des guérisons miraculeuses, le récit de tous les « má baillà » (maux donnés) et de toutes les « dégrâces » (disgrâces) dont s’était débarrassée chacune des personnes présentes. Les commères indiquaient force recettes pour les maux de jambe et les rages de dents ; on discutait sur la vertu du bouillon de vipère ou sur l’efficacité de crapauds fendus et appliqués vivants sur la morsure ; quelques-uns penchaient pour l’eau bénite bouillie à la chaleur du cierge pascal. Bref, tout le savoir médical des habitants se fit jour en cette circonstance.

Ce qui nous faisait le plus trembler, nous autres enfants, c’était cette sentence qui revenait à chaque instant dans la bouche des plus vieux et des plus expérimentés :

— Vous verrez qu’il faudra l’étrangler, si le médecin ne revient pas pour lui donner le bouillon d’onze heures !… — Et ces paroles, accompagnées d’un clignement d’œil particulier, laissaient sous-entendre à nos imaginations échauffées de terribles choses qu’apparemment nous devions ignorer.

Je brûlais du désir d’aller à la ferme et de voir tout ce qu’il en était. Du reste, je ne manquais pas de prétextes pour m’y rendre, malgré les observations de Josette. Grand’mère n’avait point reparu