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continua vivement la paysanne, c’est un péché de frauder le gouvernement. Comment feras-tu pour tes Pâques ? Le curé t’arrêtera en confession et toute la paroisse le saura. Non, non, laisse-moi ces gens tranquilles. Si on n’a rien, on n’a rien, mais au moins on garde son honneur sur sa tête.

Ils parlèrent comme ça bien longtemps, l’un expliquant ses raisons et tâchant de rassurer sa craintive fiancée, l’autre grondant, priant, se fâchant tour à tour, afin de faire renoncer Claude à ses périlleuses expéditions.

En fin de compte, et comme compromis, le jeune homme jura qu’il ne ferait plus que trois voyages pour tenir ses engagements, puis il quitterait la bande de Paul Guidon pour reprendre sa vie d’autrefois.

Ceci bien promis et bien signé par deux ou trois baisers, les amoureux se dirent adieu jusqu’au prochain dimanche.

La fille de Bernard Couter n’avait point exagéré la frayeur et l’éloignement qu’éprouvaient les simples paysans à ce nom de contrebandier, qui avait alors une toute autre signification et une toute autre portée que de nos jours. Les lois étaient si cruelles pour les fraudeurs ! On allait fort bien en galère pour avoir passé six livres de sel sans déclaration, absolument comme y allaient les meurtriers, les incendiaires et les voleurs de grands chemins. L’homme des champs, habitué à juger de la gravité des choses par leurs résultats matériels, ne pou-