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voulait faire encore une tentative auprès de sa fiancée avant de se délier complètement vis-à-vis de Paul Guidon.

Hélas ! ce fut bien inutilement qu’il répéta, pour la vingtième fois peut-être, ses meilleures raisons à la jeune fille. Celle-ci lui signifia carrément que s’il voulait continuer ce métier-là, il ne fallait plus penser à elle.

— Si c’est comme ça que tu me parles, Maurise, je vois bien que tu ne tiens pas tant à moi que moi je tiens à toi, dit tristement Claude ; enfin, puisque ce n’est tout de bon pas ton idée, je dirai ce soir à Paul que je me dédis. Tant pis pour après ! achevat-il avec un geste de découragement.

— Ne te mets pas tant l’ennui dans la tête, Daudon, reprit la Maurise amicalement, il y en a bien d’autres que nous qui s’en sont tirés sans avoir deux quarts vaillants d’avance. Nous en ferons autant qu’eux quand le bon Dieu voudra que ce soit notre tour. Il y a plus de rosée sur l’herbe que sur le chêne.

Plaise à Dieu que ce soit vrai ce que tu dis, Maurise, soupira Claude, qui, sur ce souhait, reprit rapidement la direction de Chambéry. Il faisait froid, la matinière (vent d’est) soufflait dur, fouettant les cimes des grands noyers, tourmentant les rameaux pendants des haies et chassant en tourbillons épais les feuilles déjà jaunes et desséchées.

Il y avait dans l’air toute espèce de bruits lugubres : sifflement du vent, craquement des branches