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mortes, froissement des feuilles, tout faisait rage et vacarme. Néanmoins le ciel était clair comme un miroir et tout piqué d’étoiles. Pas de lune, — elle ne devait se lever qu’un peu avant le jour. — C’était bien la nuit qu’il fallait aux contrebandiers comme aux voleurs.

Claude Porraz avançait, avançait toujours sans prendre garde au tintamarre qui se faisait autour de lui. Tristement, il songeait que maintenant c’était fini de croire à son prochain mariage… fini d’espérer avoir un chez lui, une famille, un avenir, fini… fin, tout fini, et le pauvre garçon sentait son cœur se gonfler de chagrin, sa gorge se serrer et ses yeux se remplir de larmes. Oh ! pourquoi la Maurise ne voulait-elle pas se laisser convaincre ? Pourquoi ? pourquoi ?

Si tout avait marché comme j’avais pensé, se disait notre désolé garçon, à l’autre Saint-Jean j’aurais pris la ferme du vieux monsieur Gaillard. Ce n’est pas bien grand, mais les terres sont bonnes et de bon rapport ; nous aurions fait marcher ça rondement, la Maurise et moi, en faisant des plantations ou seulement en soignant bien ce que l’on aurait fait. Nous aurions tenu de bonnes vaches, qui auraient servi pour labourer et qui nous auraient donné des élèves, du lait, du beurre, des tommes. J’aurais acheté, pour la foire froide, une truie qui nous aurait fait une grosse portée de cochons pendant l’hiver. En les vendant pour la Saint-Pierre, — mettons dix à vingt-cinq francs pièce, — cela au-