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— Je ne te croyais pas un capon, mon pauvre Daudon, mais puisque tu as peur, tu fais bien.

— Oh, Paul ! tu ne pouvais pas me faire une plus grosse injure que de me dire que je suis un couyon.

Tu sais bien que ce n’est pas vrai et, si tu voulais me croire, je te dirais que c’est avec le plus grand regret que je renonce au métier.

— Et alors, qu’est-ce qui t’y force ? N’es-tu pas majeur ?

— C’est vrai, mais vois tu, la Maurise ne veut pas. Elle s’est inquiétée de mes absences et a voulu en connaître la cause ; j’ai été obligé de lui dire ce que je faisais, et elle m’a fait promettre de renoncer à être contrebandier, autrement elle ne voudrait plus m’épouser. Et tu sais que je ne pourrais pas vivre sans elle. C’était déjà pour gagner de quoi acheter la ferrure que j’avais suivi ton conseil.

— Es-tu donc déjà assez riche pour t’en passer ?

— Certes, nou ! mais puisqu’elle ne veut pas. Tout en causant, les jeunes gens ne se départaient pas de leur vigilance habituelle, et promenaient de tous côtés des regards inquiets.

Attention, dit tout à coup Paul Guidon après avoir jeté un coup d’œil en arrière, m’est avis que nous avons derrière nous deux gogos qui ont tout l’air de nous moucharder. Pressons le pas et, s’ils nous emboîtent, nous nous glissons sous le pont Dégala.

Malgré l’heure avancée, à la lueur du dernier reverbère de la ville, on voyait deux personnes