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— Mettez-vous à genoux, petits, nous cria-t-elle. le bon Dieu va passer.

Ces mots me bourdonnèrent à l’oreille, comme la trompette du jugement dernier. Nous nous agenouillàmes dans la poussière et sur les cailloux, en baissant la tête. Je tremblais comme une feuille. Je m’attendais à voir ou à sentir quelque chose d’extraordinaire. M. le curé passa, les gens du village passèrent, je ne vis rien, je ne sentis rien ! Mes compagnons se relevèrent, et s’enfuirent moi, je restai, et en me faufilant au milieu de la foule, je parvins à entrer dans la maison.

Des pleurs, un murmure sourd de prières dites, à voix basse, voilà tout ce que j’entendis au premier moment.

Il y avait tant de monde dans cette première pièce que je ne pouvais voir ce qui s’y faisait seulement, de temps à autre, les gémissements du pauvre Lallò arrivaient jusqu’à nous par la porte entr’ouverte de la chambre.

On attendit quelques minutes ; puis, la voix grave de Monsieur le curé commanda de faire retirer tous ceux qui n’étaient pas de la famille, l’état du malade ne permettant pas de l’administrer pour le moment. La maison se vida en peu d’instants. Bien des femmes en sortant tenaient leur tablier sur leurs yeux, bien des hommes avaient la manche de leur habit mouillée.

C’était affreux en effet d’entendre crier Lallò : sa voix d’ordinaire vibrante et claire avait des