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sons sourds et détonnants, comme ceux d’une cloche fêlée.

N’osant point m’avancer davantage, je m’étais mise, après le départ de la foule, dans un coin obscur où se trouvaient deux des petits frères ; ceux-là pleuraient franchement. Fanny, assise sur un banc, la tête appuyée sur le pétrin, demeurait silencieuse et immobile. Le gros Benoit, frère aîné de Pierre Descolaz, remuait distraitement les bûches presqu’éteintes qui garnissaient le foyer, où une marmite grondait sourdement sur les braises qui l’entouraient. Il y avait encore quelqu’un dans cette cuisine : c’était une femme, non pas à genoux, mais pliée et ramassée sur elle-même, à moitié cachée par un grand buffet mis en travers de la pièce. Son corps, dont je ne voyais que la partie inférieure, semblait secoué par un frisson continuel ; de temps en temps, lorsque Lallò râlait plus fort, le tremblement qui l’agitait redoublait, et j’entendais un bruit qui passait entre ses dents serrées.

J’avais si peur que mon front était tout mouillé de sueur.


XII

De la place où j’étais, je voyais à peu près un tiers de la chambre où couchaient d’habitude les époux Descolaz et les plus jeunes des enfants.

En ce temps là, comme maintenant encore, les