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Dans un angle de cette pièce éclairée seulement par une étroite fenêtre grillée, juste en face de moi, couché sur le lit, les jambes liées avec une corde, le haut du corps retenu de même, le pauvre mourant que nous avions connu si beau et si alerte, se tordait dans des convulsions atroces.

De son chevet, Pierre Descolaz aussi pâle, aussi raide que les statues que j’avais vues dans la chapelle de Lémenc, les bras entourés de linges roulés, regardait droit devant lui. De l’autre côté, François Fluttaz, leur voisin, les mains enveloppées de même, fixait le malade avec des yeux hagards. Au pied du lit, la Jeanne courbée en deux, la tête cachée dans son tablier, tremblait et sanglotait à la fois. Grand’mère, agenouillée, lisait à mi-voix dans un livre de prières.

Moi, je regardais surtout Lallò. Je ne pouvais croire que ce fut lui, tant il était affreux. Sa tête allait et venait, comme celle d’un enfant que l’on berce trop fort ; les cordes qui l’attachaient au lit, l’empêchaient de se soulever ; cependant je distinguais très-bien ses traits. Il était tout bouffi, tout enflé ; son nez et ses lèvres avaient grossi, son cou était gonflé ; par moments, il ouvrait la bouche toute grande pour aspirer l’air ; ses dents claquaient ; sa respiration montait en sifflant de son gosier que l’on eût dit être devenu trop étroit.

Oh ! mon Dieu, qu’il était terrible à voir, surtout lorsque, dans le paroxysme d’une crise, il invoquait