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Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/38

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ces terribles crises. Dans ses rêves, le pauvre malheureux luttait tantôt contre des ours, des chiens, des serpents, tantôt contre des fantômes ; parfois, il appelait Marianne. Alors il devenait doux et tendre, essayait de répéter quelques-uns des refrains qu’ils avaient chantés jadis ensemble :


« Je t’en donnerai une robe,
Un cotillon fait z’à la mode ;
Un petit corset de velours.
Sera pour porter tous les jours…… »


Oh ! que cela fendait le cœur de l’entendre chanter ainsi !

De temps en temps, Pierre lui essuyait le front et la Jeanne, s’approchant de ses jambes, lui embrassait les genoux, l’appelant de tous les mots les plus caressants comme s’il avait encore été tout petit. Personne ne prenait garde à moi ; je restais debout sur le seuil de la porte, la main sur la bouche pour ne pas pleurer trop fort : il me semblait que mes pieds tenaient à la pierre ; et que jamais plus je ne bougerais de là……

Un instant, le malade se calma ; on crut que c’était la mort qui venait. Grand’mère dit quelques mots bas à la Jeanne, celle-ci se leva doucement et vint se pencher sur le lit pour écouter la respiration courte et haletante de son fils… Puis, approchant ses lèvres du visage de l’agonisant :

« Tiens, tiens, mon Lallò, dit-elle, je ne veux pas que tu partes comme ça… Je veux que tu sois em-