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fleurs à cueillir, des fruits à dérober ? Je savais indiquer le sentier le plus court, le pré le plus fleuri, l’arbre le plus chargé. Nous passait il par la tête une de ces fantaisies enfantines dont tremblent les mères même lorsque le danger est éloigné ? pour sûr c’était moi qui l’avais rêvée, qui en préparais l’exécution et qui, au besoin, relevais les défaillances peureuses de nos complices.

En dehors des escapades habituelles et, passez-moi l’expression, normales dont nous nous rendions journellement coupables, je nourrissais intérieurement un désir inconscient de voir plus loin et plus grand, de respirer un autre air que celui de notre petit village dont je connaissais chaque pierre, chaque buisson, chaque angle de verger ou de jardinet.

Aussi c’était tous les jours de nouvelles courses entreprises, de nouveaux coins explorés. J’étais sans cesse attirée vers un autre horizon, vers cet inconnu que mes rêves d’enfant décoraient de toutes les splendeurs de leurs illusions dorées. Je n’aimais pas les montagnes, je n’aimais pas les bois sombres, les rideaux d’arbres touffus et ombreux ; tout cela était pour moi des obstacles que je ne pouvais ni briser, ni franchir ; mais j’adorais le grand ciel bleu dont je n’avais jamais pu compter toutes les étoiles, les longues routes blanches et unies dont les lointaines extrémités se perdaient dans la brume vaporeuse du matin ou dans le poudreux rayonnement d’un beau coucher de soleil.