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que je reprenais bien vite le cours de mes pérégrinations interrompues.

On ne pouvait pourtant pas forcer une enfant de sept ans à demeurer tranquille par un si beau soleil ; la santé avant tout !… Et voilà comment se terminaient habituellement ces tentatives de précoce éducation.

J’en viens à mon histoire dont, par distraction, je ne vous ai pas encore dit le premier mot.

À l’époque dont je parle, notre commune recevait périodiquement la visite des bandes nombreuses de Bohémiens qui traversaient notre pays pour se rendre en France, en Suisse ou en Italie, suivant la saison. Ces vagabonds éternels dont jamais le pied ne se fixe nulle part, qui côtoient dédaigneusement une civilisation qu’ils ne veulent point accepter, étaient un objet d’épouvante et de répulsion pour tous les habitants de nos paisibles villages. Quand une de ces tribus pillardes s’abattait sur nos hameaux, les portes se fermaient, les enfants s’éclipsaient derrière les murs, les haies ou les meules de foin les plus proches, et ce n’était qu’à pas furtifs et la mine effarée qu’ils reprenaient le chemin de la maison. C’est que toute sorte de mauvais bruits couraient sur ces créatures sales, déguenillées, bronzées par les vents et les soleils de toutes les latitudes.

On disait qu’ils mangaient les petits enfants au-dessous de quatre ans, après les avoir fait griller sur un grand feu de copeaux ; que les femmes li-