Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 49 —

ses, avaient charge de traîner les deux véhicules ; un âne, trop jeune encore pour pareille besogne trottait en serre-file le long du chemin montueux. Trois vieilles venaient ensuite, portant dans des hottes peut-être des chiffons, peut-être autre chose.

Enfin, derrière toute cette interminable procession arrivait, comme appoint, une carriole minuscule, à laquelle était attelée une petite vache rousse osseuse, étroite, essoufflée, roulant ses gros yeux mélancoliques sous des paupières rougies par la poussière que les voitures soulevaient devant ses pas. J’ai su depuis beaucoup de particularités sur cette bête si résignée ! elle se nommait Miouck et était née en Pologne. Voyez-vous d’ici le joli ruban de route que cette pauvre vache avait dû faire pour venir échouer un jour au Chaffard ?… Oh ! ce que c’est que la destinée !…

Bref, toute cette foule suante et piaillante finit par s’arrêter au carrefour des Trois-Sentiers. Je me suis quelquefois demandé par quelle intuition ces bohèmes savaient qu’il existait là une place pour camper. N’ayant rien trouvé à me répondre, j’ai laissé courir l’idée ; aussi bien cela n’ajoute rien à l’intérêt du récit, si tant est qu’il en ait.

Pour toute conclusion donc, je vous ai dit que les chevaux firent halte. Soudain, un bataillon de petits moricauds sortit des baraques, aussi peu vêtus que possible ; trois surtout qui, certes, ne devaient pas d’arriéré à leur tailleur. Au moment où ils dégringolaient par l’escalier de leur demeure