Page:Gex - Vieilles gens et vieilles choses (1885).pdf/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 50 —

leurs mères, pour raison de convenances pobablement, les reprirent quelque part par derrière, et les envoyèrent un peu vivement rouler au milieu des marmites de la communauté. Cela me fit, je l’avoue, réfléchir sur les mauvais moments de l’existence des petits Bohémiens. Ce ne fut pourtant que passager, j’avais tant de choses à voir !

Quand le brouhaha des marmots se fut apaisé, je vis sortir de la carriole une ravissante petite fille brune comme un pruneau, mais gracieuse et leste comme une de ces mouches aux ailes dorées auxquelles nous faisions la chasse sur le bord des ruisseaux. Son premier pas fut une pirouette, son premier mot un couplet de chanson.

Que cette petite était jolie ! Elle portait un reste de costume pailleté qui avait dû coûter bien de l’argent au temps où la couturière l’avait livré ; pour le moment, il restait çà et là une étoile d’or sur un fond vert-tendre agrémenté d’une bordure de velours un peu roussie par l’usage, mais faisant encore assez d’effet pour nous ravir d’admiration. Un vieux maillot de coton rose serrait ses jambes fines ; quelques mailles sautées laissaient apercevoir la peau brune de la fillette. Elle avait une forêt de cheveux noirs tombant en grandes boucles sur ses épaules ; un cordon doré serrait son front, et se nouait derrière la tête sur ses cheveux.

Dès qu’elle eût chanté et pirouetté, le singe, auquel nous ne pensions plus, fit mille contorsions pour attirer son attention. Voyant que cela ne suf-