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la grande route pour prendre une direction opposée. Le chef, prévoyant que notre disparition, une fois constatée, mettrait à sa poursuite les gens du pays, avait probablement pris ce moyen pour égarer les recherches. Je sus, en effet, plus tard que cette première voiture dans laquelle nous étions enfermés, était de beaucoup en avance sur l’autre. On le voit, nous avions affaire à forte partie. Où nous conduisait-on maintenant ?… Qu’allions-nous devenir ?… Les roues ne faisaient presque plus de bruit en tournant, la voiture allait plus lentement ; qu’est-ce que tout cela voulait dire ?… Ce brusque changement dont j’étais loin de soupçonner la cause acheva de me terrifier. Je me jetai au cou de mon petit ami et me mis à crier, affolée de peur : « Alexandre, Alexandre, ils vont nous mener perdre dans les bois !… Nous allons mourir tous les deux !  !  !… » Le pauvre enfant tremblait aussi fort que moi, mais il eut cependant le courage de répondre : « Non, non. Va ! n’aie pas peur, ils n’oseront pas nous faire du mal : mon papa est juge, il les ferait pendre !… » Etait-ce là une raison bien convaincante ? Je ne le trouve pas maintenant ; alors elle me suffit et me calma quelque peu.

Cependant, malgré que nous eussions abandonné la route depuis un instant déjà, le bruit et le mouvement ne cessaient point au dehors. Des cris éloignés, des appels d’abord lointains, puis peu à peu se rapprochant de l’endroit où nous étions, attirėrent notre attention ; enfin, au milieu d’un brouhaha