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oreilles. Alexandre se redressa et se mit à appeler de toutes ses forces ; mais des coups de fouet répétés, la voix des conducteurs excitant les chevaux poussifs couvrirent ses faibles clameurs, et de nouveau tout s’apaisa autour de nous……

Près d’un quart d’heure s’écoula ainsi ; nous ne pleurions même plus ; un morne abattement nous enveloppait tous deux, nous enlevant toute force et toute pensée. C’était comme un invincible besoin de dormir, paralysant même notre chagrin, et, sans doute, le sommeil nous aurait gagnés si tout d’un coup nous n’eussions été tirés de cette torpeur par l’allure plus vive des chevaux et par les jurements réitérés des bohèmes qui les conduisaient. D’autres voix encore se mêlaient aux leurs : des intonations de colère, des mots brefs comme des ordres, des exclamations subites se croisaient rapidement. Que se passait-il au dehors ?… Nous ne le savions ni l’un ni l’autre, ne pouvant rien saisir de ce maudit langage ; mais, dès les premières paroles, Sta qui, depuis notre lutte, s’était tenue à l’écart, jouant avec Pruk, tout en jetant de temps en temps un regard courroucé sur nous, Sta, dis je, semblait effrayée et agitée. Par deux fois, elle avait mis sa tête à la fenêtre, prononçant des mots qui résonnaient à nos oreilles comme des interrogations. Alexandre lui ayant demandé la cause de son trouble, la rusée petite créature lui avait répondu tout autre chose que la vérité.

Subitement, la baraque tourna à droite, quittant