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de la poésie scientifique

De théorie et de pratique, la prosodie classique, romantique et parnassienne, énonce le Rythme : le sentiment du retour régulier et équidistant d’une division numérique. Le vers est donc pour elle la résultante de quantités numériques, marquées et scindées du retour régulier et prévu de l’accent tonique, en dehors de toute attention aux valeurs quantitatives et qualitatives des Sons. Il est, rythmiquement, une succession comme mécanique de temps faibles et de temps forts, où s’astreint l’Idée : l’idée qui, patiemment, se mutilant ou non, doit entrer en ce cadre rigidement déterminé en dehors de ses lois !…

Nous avons, en conclusion dernière, exprimé le Rythme, comme « le mouvement de la Pensée consciente et représentative des naturelles et harmonieuses Forces »[1]. Et, en Poésie, — si nous rappelons que dans notre théorie « instrumentale » le Rythme dépend indissolublement et de l’Idée et du Verbe, concomitants, si nous rapportons que le langage comporte trois éléments (d’émotivité instinctive, d’imitation des phénomènes, phonétique, graphique et colorée, et de sentiment et de pensée), et si nous insistons que l’origine du Son-articulé est émotive, en expression directement phonétique, — nous dirons (ce qui est contenu en notre définition générale), que de sa nature essentielle et comme physiologique, le Rythme est représentatif de l’émotion que dégage l’Idée, émotion qui est inséparable d’elle.


  1. Je pourrais me prévaloir comme précieusement introducteur à ma Rythmique, de cet énoncé général de Spencer, Premiers Principes, que le Rythme, qui est universel, « procède d’accentuations successives du mouvement ondulatoire engendré habituellement par le sentiment, lorsqu’il se décharge dans l’être ».