Aller au contenu

Page:Ghil - Traité du verbe, 1886.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


L’UNITÉ


À Paul Verlaine


Au sortir de son sommeil effleuré de sourire et de palmes s’aérant, sur le perron merveilleux, d’un timide soleil paradisé et de rosée remuante en l’aurore légère d’un mirage d’eau qui ment, toute ingénue la Belle s’en viendra.

Par le parc halènant dont s’augmente la nuit sylvestre de la ramure grise des matinales vapeurs, ouvrant la lueur puérile d’une clairière elle ira.

Ce spontané parterre qui vers la pure solitude pousse, ses pas le gagneront : et là, dans un agenouillement de vierge bysantine, d’un doux geste envolé remémorant l’aile de colombes elle prendra sans hâte une rose et un lis, puis reviendra.

Mais, mutine, la présente aube, et nerveuse vraiment du pêle-mêle des pétales trop ombrageant son poing mignard, elle laissera au martyre de la rose se venger ses mièvres doigts : et par le parc s’ébruitant neigera en pleurant les amants des vesprées anuitées, d’une lente effeuillaison d’appas qui meurent, le retardé vol mauve.