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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. II.

avait été civilisé et corrompu ; il avait trop de goût pour abandonner sa langue nationale, et trop de vanité pour adopter des institutions étrangères. Constamment attaché aux préjugés de ses ancêtres, après en avoir oublié les vertus, il affectait de mépriser les mœurs grossières des Romains, dont il était forcé d’admirer la haute sagesse, et de respecter la puissance supérieure[1]. Les mœurs et la langue des Grecs n’étaient pas renfermées dans les limites étroites de cette contrée jadis si fameuse, leurs armes et leurs colonies en avaient répandu l’influence depuis la mer Adriatique jusqu’au Nil et à l’Euphrate. L’Asie était remplie de villes grecques, et la longue domination des princes de Macédoine avait, sans éclat, opéré une révolution dans les mœurs de la Syrie et de l’Égypte. Ces monarques réunissaient dans leur extérieur pompeux l’élégance d’Athènes et le luxe de l’Orient ; et les plus riches d’entre leurs sujets suivaient à une distance convenable l’exemple de la cour. Telle était la division générale de l’Empire romain, relativement aux langues grecque et latine. On peut renfermer dans une troisième classe les naturels de Syrie, et surtout ceux de l’Égypte. Attachés à leurs anciens dialectes, qui leur interdisaient tout commerce avec le genre humain, ils restèrent

  1. Depuis Denys jusqu’à Libanius, aucun critique grec, je crois, ne fait mention de Virgile ni d’Horace : ils paraissaient tous ignorer que les Romains eussent de bons écrivains.