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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

plongés dans une ignorance profonde[1]. La vie molle et efféminée des uns les exposait au mépris, la sombre férocité des autres leur attira la haine des vainqueurs[2]. Ils s’étaient soumis à la puissance romaine, mais ils cherchèrent rarement à se rendre dignes du titre de citoyen romain ; et l’on a remarqué qu’après la chute des Ptolémées, il s’écoula plus de deux cent trente ans avant qu’un Égyptien eût été admis dans le sénat de Rome[3].

Usage général des deux langues.

C’est une observation devenue commune, et qui n’en est pas moins vraie, que Rome triomphante fut subjuguée par les arts de la Grèce. Ces écrivains immortels, qui font encore les délices de l’Europe savante, furent bientôt connus en Italie et dans les provinces occidentales : ils furent lus avec transport, et devinrent l’objet de l’admiration publique ; mais les occupations agréables des Romains n’avaient rien de commun avec les maximes profondes de leur politique. Quoique séduits par les chefs-d’œuvre de la Grèce, ils surent conserver la dignité de leur langue, qui seule était en usage dans tout ce qui regardait l’administration civile et le gouvernement militaire[4].

  1. Le lecteur curieux peut voir, dans la Bibliothéque ecclésiastique de Dupin (tom. XIX, p. I, c. 8), à quel point s’était conservé l’usage des langues syriaque et égyptienne.
  2. Voyez Juvénal, sat. III et XV ; Ammien-Marcellin, XXII 16.
  3. Dion-Cassius, l. LXXVII, p. 1275. Ce fut sous le règne de Septime-Sévère, qu’un Égyptien fut admis pour la première fois dans le sénat.
  4. Valère-Maxime, l. II, c. 2. n. 2. L’empereur Claude