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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. II.

personne ne jouît du superflu ; mais, dans l’état actuel, le luxe, quoique né du vice ou de la folie, paraît seul pouvoir corriger la distribution inégale des biens. L’ouvrier laborieux, l’artiste adroit ne possèdent aucune terre ; mais ceux qui les ont en partage consentent à leur payer une taxe, et les propriétaires sont portés, par leur intérêt, à cultiver avec plus de soin des productions dont l’échange leur fournit de nouveaux moyens de plaisir. Cette réaction, dont toute société éprouve des effets particuliers, se fit sentir avec une énergie bien plus puissante dans l’univers romain. Les provinces auraient bientôt été épuisées, si les manufactures et le commerce de luxe n’eussent rendu à des sujets industrieux les richesses que leur avaient enlevées les armes et la puissance de Rome. Tant que la circulation ne s’étendit pas au-delà des limites de l’empire, elle imprima un degré d’activité à la machine politique, et ses effets, souvent utiles, ne furent jamais pernicieux.

Commerce étranger.

Mais rien n’est peut-être plus difficile que de renfermer le luxe dans les bornes d’un état. Les contrées les plus éloignées furent mises à contribution pour fournir de nouveaux alimens au faste et à la pompe de la capitale. Les forêts de la Scythie donnaient des fourrures précieuses. On transportait l’ambre par terre, depuis les rives de la Baltique jusqu’au Danube ; et les Barbares étaient étonnés du prix qu’ils recevaient en échange pour une production de si peu