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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

alarmé, conçut une haine implacable contre le corps entier du sénat[1] ; [Cruautés de ce prince.]ceux qu’il avait d’abord redoutés comme des ministres importuns, lui parurent tout à coup des ennemis secrets. Les délateurs avaient été découragés sous les règnes précédens, on les croyait presque anéantis ; ils parurent de nouveau dès qu’ils s’aperçurent que l’empereur cherchait partout des crimes et des complots. Cette assemblée, que Marc-Aurèle regardait comme le grand conseil de la nation, était composée des plus vertueux Romains, et bientôt le mérite devint un crime. Le zèle des délateurs, excité par l’attrait puissant des richesses, cherchait partout de nouvelles victimes : une vertu rigide passait pour une censure tacite de la conduite irrégulière du prince, et des services importans décelaient une supériorité dangereuse ; enfin, l’amitié du père suffisait pour encourir toute la haine du fils. Le soupçon tenait lieu de preuve ; et il suffisait d’être accusé pour être aussitôt condamné. La mort d’un sénateur entraînait la perte de tous ceux qui auraient pu la pleurer ou la venger ; et lorsqu’une fois Commode eut goûté du sang humain, son cœur devint inaccessible aux remords ou à la pitié.

Les frères Quintilliens.

Parmi les victimes innocentes qui tombèrent sous les coups de la tyrannie, il n’y en eut pas de plus regrettées que Maximus et Condianus, de la famille

  1. Les conjurés étaient sénateurs et entre autres l’assassin lui-même, Quintien. Hérodien, l. I, c. 8. (Note de l’Éditeur.)