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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

vrit en même temps les prisons, invita les esclaves à briser leurs fers, et ravagea impunément les villes opulentes et sans défense de la Gaule et de l’Espagne. Les gouverneurs de ces provinces avaient été pendant long-temps spectateurs tranquilles de ces déprédations ; peut-être même en avaient-ils profité ; ils furent enfin arrachés à leur indolence par les ordres menaçans de l’empereur. Environné de tous côtés, Maternus prévit qu’il ne pouvait échapper ; le désespoir était sa dernière ressource : il ordonne tout à coup aux compagnons de sa fortune de se disperser, de passer les Alpes par pelotons et sous différens déguisemens, et de se rassembler à Rome pendant la fête tumultueuse de Cybèle[1]. Il n’aspirait à rien moins qu’à massacrer Commode, et à s’emparer du trône vacant. Une pareille ambition n’est point celle d’un brigand ordinaire. Les mesures étaient si bien prises, que déjà ses troupes cachées remplissaient les rues de Rome : la jalousie d’un complice découvrit cette singulière entreprise, et la fit manquer au moment que tout était prêt pour l’exécution[2].

  1. Durant la seconde guerre punique, les Romains apportèrent de l’Asie le culte de la mère des dieux. Sa fête, Megalesia, commençait le 4 d’avril, et durait six jours ; les rues étaient remplies de folles processions, les spectateurs se rendaient en foule aux théâtres, et l’on admettait aux tables publiques toutes sortes de convives. L’ordre et la police étaient suspendus, et le plaisir devenait la seule occupation sérieuse de toute la ville. Voyez Ovide, De fastis, l. IV, 189, etc.
  2. Hérodien, l. I, p. 23, 28.