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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. IV.

colossales, et répété avec des acclamations redoublées[1] par un sénat consterné, et forcé d’applaudir aux extravagances du prince[2]. Claudius Pompeianus, cet époux vertueux de la coupable Lucilla, osa seul soutenir la dignité de son rang. Comme père, il permit à ses fils de pourvoir à leur sûreté en se rendant à l’amphithéâtre ; comme Romain, il déclara que sa vie était entre les mains de l’empereur, mais que pour lui, il ne pourrait jamais se résoudre à voir le fils de Marc-Aurèle prostituer ainsi sa personne et sa dignité. Malgré son noble courage, Pompeianus n’éprouva point la colère du tyran ; il fut assez heureux pour conserver sa vie avec honneur[3].

Conspiration de ses domestiques.

Commode était parvenu au dernier degré du vice et de l’infamie. Au milieu des acclamations d’une cour avilie, il ne pouvait se dissimuler à lui-même qu’il méritait le mépris et la haine de tout ce qu’il y avait d’hommes sages et vertueux : cette conviction, l’envie qu’il portait à toute espèce de mérite,

  1. Les sénateurs furent obligés de répéter six cent vingt-six fois, Paulus, premier des sécuteurs, etc.
  2. Dion, l. LXXII, p. 1221 : il parle de sa propre bassesse, et du danger qu’il courut.
  3. L’intrépide Pompeianus usa cependant de quelque prudence, et il passa la plus grande partie de son temps à la campagne, donnant pour motif de sa retraite son âge avancé et la faiblesse de ses yeux. « Je ne l’ai jamais vu dans le sénat, dit Dion, excepté pendant le peu de temps que régna Pertinax. » Toutes ses infirmités disparurent alors subitement, et elles revinrent soudain dès que cet excellent prince eut été massacré. Dion, l. LXXIII, p. 1227.