Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
281
DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

Il est abandonné par les prétoriens.

Sévère, qui ne craignait ni ses armes ni ses conjurations, n’avait à redouter que des complots secrets. Pour éviter ce danger, il se fit accompagner, pendant toute sa route, de six cents hommes choisis, qui, toujours armés de leur cuirasse, ne quittaient sa personne ni jour ni nuit. Rien ne l’arrêta dans sa marche rapide. Après avoir passé sans obstacle les défilés des Apennins, il reçut dans son parti les troupes et les ambassadeurs que l’on avait envoyés pour retarder ses progrès ; et il ne resta que fort peu de temps dans la ville d’Interamnia, aujourd’hui Teramo, située à soixante-dix milles de Rome. Déjà il était sûr de la victoire ; mais le désespoir des prétoriens pouvait la rendre sanglante ; et Sévère avait la noble ambition de vouloir monter sur le trône sans tirer l’épée[1]. Ses émissaires, répandus dans la capitale, assurèrent les gardes que s’ils voulaient abandonner à la justice du vainqueur leur indigne souverain et les meurtriers de Pertinax, le corps entier ne serait plus jugé coupable de ce forfait. Des soldats sans foi, dont la résistance n’avait jamais eu pour base qu’une opiniâtreté farouche, acceptèrent avec joie ces conditions si faciles à remplir. Ils se saisirent de la plupart des assassins, et déclarèrent au sénat qu’ils ne défendraient pas plus long-temps la cause de Julianus. Cette assemblée, convoquée par le con-

  1. Victor et Eutrope, VIII, 17, parlent d’un combat qui fut livré près du pont Milvius, ponte Molle, et dont les meilleurs écrivains du temps ne font pas mention.