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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

fices. Sévère marcha d’abord contre Niger, celui dont il redoutait le plus la réputation et la puissance ; mais évitant toute déclaration de guerre, il supprima le nom de son antagoniste, et déclara seulement au sénat et au peuple qu’il se proposait de rétablir l’ordre dans les provinces de l’Orient. En particulier, il parlait de Niger, son ancien ami, avec le plus grand intérêt ; il l’appelait même son successeur au trône[1], et applaudissait hautement au dessein généreux qu’il avait formé de venger la mort de Pertinax. Il était du devoir de tout général romain de punir un vil usurpateur : ce qui pourrait le rendre criminel[2], serait de continuer à porter les armes, et de se révolter contre un empereur légitime, reconnu solennellement par le sénat. On retenait à Rome les enfans de tous les commandans de provinces, comme des gages de la fidélité de leurs parens[3] ; parmi eux s’étaient trouvés ceux de Niger. Maître de la capitale, Sévère fit élever avec le plus grand soin les

  1. Sévère, étant dangereusement malade, fit courir le bruit qu’il se proposait de laisser la couronne à Niger et à Albinus. Comme il ne pouvait être sincère à l’égard de l’un et de l’autre, peut-être ne voulait-il que les tromper tous deux. Sévère porta cependant l’hypocrisie si loin, que, dans les Mémoires de sa vie, il assure avoir eu réellement l’intention de les désigner pour ses successeurs.
  2. Histoire Auguste, p. 65.
  3. Cette pratique, imaginée par Commode, fut très-utile à Sévère, qui trouva dans la capitale des enfans des principaux partisans de ses rivaux, et qui s’en servit plus d’une fois pour intimider ses ennemis ou pour les séduire.