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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

CHAPITRE VI.

Mort de Sévère. Tyrannie de Caracalla. Usurpation de Macrin. Folies d’Héliogabale. Vertus d’Alexandre Sévère. Licence des troupes. État général des finances des Romains.

Grandeur et agitation de Sévère.

Les routes qui mènent à la grandeur sont escarpées et bordées de précipices ; cependant un esprit actif, en parcourant cette carrière dangereuse, trouve sans cesse un nouvel attrait dans la difficulté de l’entreprise et dans le développement de ses propres forces : mais la possession même d’un trône ne pourra jamais satisfaire un homme ambitieux ; Sévère sentit bien vivement cette triste vérité. La fortune et le mérite l’avaient tiré d’un état obscur pour l’élever à la première place du monde. « J’ai été tout, s’écriait-il, et tout a bien peu de valeur[1]. » Agité sans cesse par le soin pénible, non d’acquérir, mais de conserver un empire, courbé sous le poids de l’âge et des infirmités ; peu sensible à la renommée[2] ; rassasié de pouvoir, il n’apercevait plus rien autour de lui qui pût fixer ses regards inquiets. Le désir de perpétuer la puissance souveraine dans sa famille devint le dernier vœu de son ambition et de sa sollicitude paternelle.

  1. Hist. Aug., p. 71. Omnia fui, et nihil expedit.
  2. Dion-Cassius, l. LXXVI, p. 1284.