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NOTICE SUR LA VIE

paient depuis long-temps son esprit, devait s’élever l’idée de celui qui a fait sa réputation et rempli une grande partie de sa vie. « Ce fut à Rome, dit-il, le 15 octobre 1764, qu’étant assis et rêvant au milieu des ruines du Capitole, tandis que des moines déchaussés chantaient vêpres dans le temple de Jupiter, je me sentis frappé pour la première fois de l’idée d’écrire l’Histoire de la Décadence et de la Chute de cette ville ; mais, ajoute-t-il, mon premier plan comprenait plus particulièrement le déclin de la ville que celui de l’empire ; et quoique dès lors mes lectures et mes réflexions commençassent à se tourner généralement vers cet objet, je laissai s’écouler plusieurs années, je me livrai même à d’autres occupations avant que d’entreprendre sérieusement ce laborieux travail. » En effet, sans perdre de vue, mais sans aborder ce sujet qu’il regardait, dit-il, à une respectueuse distance, Gibbon forma, commença même à exécuter quelques plans d’ouvrages historiques ; mais les seules compositions qu’il ait achevées et publiées dans cet intervalle furent quelques morceaux de critique et de circonstance : les yeux toujours fixés sur le but vers lequel il devait diriger un jour ses efforts, il en approchait lentement, et sans doute l’idée qui le lui avait présenté d’abord resta fortement imprimée dans son esprit. Il est difficile, en lisant le tableau de l’Empire romain sous Auguste et ses premiers successeurs, de ne pas sentir qu’il a été inspiré par l’aspect de Rome, de la Ville éternelle, où Gibbon avoue qu’il n’entra qu’avec une émotion qui l’empêcha toute une nuit de dormir : peut-être aussi ne sera-t-il pas difficile de trouver dans l’impression d’où sortit la conception de l’ouvrage, une des causes de cette guerre que Gibbon semble y avoir déclarée au christianisme, et dont le projet ne paraît conforme ni à son caractère, peu disposé à l’esprit de parti, ni à cette modération d’idées et de sentimens qui le portait à voir tou-