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Massacre de Maxime et de Balbin.

Le sénat, en partageant la couronne, semblait n’avoir eu d’autre intention que de donner à l’empire deux chefs capables de le gouverner dans la guerre et dans la paix. Outre ce motif spécieux, il est probable que cette assemblée fut encore guidée par le désir secret d’affaiblir, en le divisant, le despotisme du magistrat suprême. Sa politique lui réussit ; mais elle lui devint fatale, et entraîna la perte des souverains. Bientôt la jalousie du pouvoir fut irritée par la différence de caractère. Maxime méprisait Balbin, comme un noble livré aux plaisirs ; et celui-ci dédaignait son collègue, comme un soldat obscur. Cependant jusque-là leur mésintelligence était plutôt soupçonnée qu’aperçue[1]. Leurs dispositions réciproques les empêchèrent d’agir avec vigueur contre les prétoriens, leurs ennemis communs. [A. D. 238, 15 juillet.]Un jour que toute la ville assistait aux jeux capitolins, les empereurs étaient restés presque seuls dans leur palais, où ils occupaient déjà des appartemens très éloignés l’un de l’autre. Tout à coup ils prennent l’alarme à l’approche d’une troupe d’assassins furieux : chacun ignorant la situation ou les desseins de son collègue, tremble de donner ou de recevoir des secours ; et ils perdent ainsi des momens précieux en frivoles débats et en récriminations inutiles. L’arrivée des gardes met fin à ces vaines disputes : ils se saisissent des

  1. Discordiæ tacitæ, et quæ intelligerentur potiùs quàm viderentur. (Hist. Auguste, p. 170.) Cette expression heureuse est probablement prise de quelque meilleur écrivain.