Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tains égards, plutôt républicain que monarchique. Et qu’on ne dise pas que les soldats ne prenaient de part au gouvernement que par leurs désobéissances et leurs révoltes : les harangues que les empereurs leur faisaient ne furent-elles pas à la fin du genre de celles que les consuls et les tribuns avaient faites autrefois au peuple ? Et quoique les armées n’eussent pas un lieu particulier pour s’assembler, qu’elles ne se conduisissent point par de certaines formes, qu’elles ne fussent pas ordinairement de sang-froid, délibérant peu et agissant beaucoup, ne disposaient-elles pas en souveraines de la fortune publique ? Et qu’était-ce qu’un empereur, que le ministre d’un gouvernement violent, élu pour l’utilité particulière des soldats ?

» Quand l’armée associa à l’empire Philippe, qui était préfet du prétoire du troisième Gordien, celui-ci demanda qu’on lui laissât le commandement entier, et il ne put l’obtenir : il harangua l’armée, pour que la puissance fût égale entre eux, et il ne l’obtint pas non plus : il supplia qu’on lui laissât le titre de César, et on le lui refusa : il demanda d’être préfet du prétoire, et on rejeta ses prières : enfin il parla pour sa vie. L’armée, dans ses divers jugemens, exerçait la magistrature suprême. »

Selon l’historien dont la narration douteuse a servi de guide au président de Montesquieu, Philippe, qui, pendant toute la révolution, avait gardé un farouche silence, voulut un moment épargner la vie de son bienfaiteur. Bientôt, réfléchissant que