Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/116

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les idolâtres, qui étaient les plus faibles, furent aisément convaincus d’une infraction à la trêve. L’enthousiasme et la discipline hâtaient la marche de ses guerriers, et assuraient le secret de son entreprise. Enfin dix mille feux annoncèrent aux Koreishites épouvantés le dessein, l’approche et la force irrésistible de l’ennemi. Le fier Abu-Sophian vint offrir les clefs de la ville, admira cette multitude variée d’armes et de drapeaux qu’on fit passer devant lui ; il observa que le fils d’Abdallah avait acquis un grand royaume, et sous le cimeterre d’Omar il avoua que Mahomet était l’apôtre du vrai Dieu. Le sang des Romains avait souillé le retour de Marius et de Sylla ; le fanatisme de la religion excitait le prophète à la vengeance ; et ses disciples qu’animait le souvenir de leurs injures se seraient montrés ardens à exécuter ou même à devancer l’ordre d’un massacre. Au lieu de satisfaire son ressentiment et celui de ses troupes, Mahomet, proscrit et victorieux[1], pardonna à ses compatriotes, et réunit les factions de la Mecque.

  1. C’est après la conquête de la Mecque que le Mahomet de Voltaire imagine et exécute les plus horribles crimes. Le poète avoue qu’il n’est pas appuyé par l’histoire ; il se contente de dire pour sa justification, « Que celui qui fait la guerre à sa patrie au nom de Dieu, est capable de tout. » (Œuv. de Volt., t. XV, p. 282.) Cette maxime n’est ni charitable ni philosophique, et on doit sûrement quelques égards à la gloire des héros et à la religion des peuples. Je sais que la représentation de cette tragédie scandalisa beaucoup un ambassadeur turc qui se trouvait alors à Paris.