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d’hui la haine immortelle des Turcs et des Persans[1]. Les derniers, flétris du nom de shiites ou sectaires, ont ajouté au symbole musulman cet article de foi : que si Mahomet est l’apôtre de Dieu, son compagnon Ali en est le vicaire. Dans le commerce habituel de la vie et dans leur culte public, ils chargent d’imprécations les trois usurpateurs dont l’élévation successive l’a si long-temps, en dépit de ses droits, éloigné de la dignité d’iman et de calife ; et le nom d’Omar exprime dans leur langue le comble de la scélératesse et de l’impiété[2]. Les sonnites, dont la doctrine est avouée généralement et fondée sur la tradition orthodoxe des musulmans, suivent une opinion plus impartiale, ou du moins plus décente. Ils respectent la mémoire d’Abubeker, d’Omar, d’Othman et d’Ali, tous saints et légitimes successeurs du prophète ; mais persuadés que le degré de

  1. Le schisme des Persans est développé dans tous les voyageurs du dernier siècle, et surtout dans le second et le quatrième volume de Chardin leur maître. Niebuhr, inférieur à Chardin, a toutefois l’avantage d’avoir écrit en 1764, époque très-récente (Voyages en Arabie, etc., t. II, p. 208-233), et postérieure à la tentative infructueuse qu’a faite Nadir-Shah pour changer la religion de sa nation (Voyez son Histoire de la Perse, traduite par sir William Jones, t. II, p. 5-6, 47-48, 144-155).
  2. Omar pour eux signifie le diable. Son meurtrier est un saint. Lorsque les Persans lancent une flèche, ils s’écrient souvent : « Puisse cette flèche percer le cœur d’Omar ! » (Voyages de Chardin, t. II, p. 239, 240, 259, etc.).