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homet. Après cette victoire, qu’on appela la journée du chameau, Ali se porta vers un adversaire plus redoutable, vers Moawiyah, fils d’Abu-Sophian, qui avait pris le titre de calife, et était soutenu par les forces de la Syrie et le crédit de la maison d’Ommiyah. Depuis le passage de Thapsacus, la plaine de Siffin[1] se prolonge sur la rive occidentale de l’Euphrate. Sur ce terrain vaste et uni, les deux compétiteurs se livrèrent pendant cent dix jours une guerre d’escarmouches. La perte d’Ali dans les quatre-vingt-dix petits combats qui eurent lieu dans cet espace de temps, fut évaluée à vingt-cinq mille hommes, et celle de Moawiyah à quarante-cinq mille ; on compta parmi les morts vingt-cinq vétérans qui avaient combattu à Beder, sous le drapeau de Mahomet. Dans cette sanglante contestation, le calife légitime se montra supérieur à son rival pour la valeur et l’humanité. Il ordonna à ses troupes, sous des peines sévères, d’attendre le premier choc de l’ennemi, de faire grâce aux fuyards, et de respecter les cadavres des morts et l’honneur des captives. Il proposa généreusement d’épargner le sang des musulmans par un combat singulier ; mais son rival, effrayé, refusa un cartel qui lui paraissait un arrêt de mort. Ali, monté sur un cheval pie, chargea à la tête des siens, et rompit les rangs des Syriens, effrayés de la force irrésistible de sa pesante épée à deux tranchans.

  1. D’Anville (L’Euphrate et le Tigre, p. 29) fait voir que la plaine de Siffin est le campus barbaricus de Procope.