Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/213

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et après en avoir tué ou désarçonné dix-sept, il rentra sain et sauf dans le camp des musulmans, qui applaudissaient à son courage. Son général lui ayant reproché avec douceur la témérité qu’il venait de faire paraître, il s’en excusa avec la simplicité d’un soldat. « Je n’ai pas commencé l’attaque, dit-il ; ils sont venus pour me saisir, et je craignais que Dieu ne me vît tourner le dos aux infidèles. En vérité, je me battais de bon cœur, et Dieu m’a sûrement secouru contre eux. Si je n’avais pas craint de désobéir à vos ordres, je ne serais pas rentré si tôt : et je vois d’ici qu’ils tomberont entre nos mains. » Un Grec, vénérable par sa vieillesse, s’avança au milieu des deux armées, et offrit une paix qui devait être libéralement payée ; il déclara que si les Sarrasins voulaient se retirer, on donnerait à chaque soldat un turban, une robe et une pièce d’or, que leur général aurait dix robes et cent pièces d’or, et qu’on accorderait cent robes et mille pièces d’or au calife. Un sourire d’indignation exprima le refus de Caled. « Chiens de chrétiens, vous savez le choix qui vous est offert ; soumettez-vous au Koran, payez un tribut, ou venez combattre. Nous prenons plaisir à la guerre et nous l’aimons mieux que la paix ; nous dédaignons vos misérables aumônes, car bientôt nous serons les maîtres de vos fortunes, de vos familles et de vos personnes. » Malgré cette apparence de dédain, il sentait vivement le danger où se trouvaient les musulmans. Ceux d’entre les sujets du calife qui avaient été en Perse et qui avaient vu les armées de Chos-