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chassés, et le général demeura au pouvoir des chrétiens avec un ami et un esclave. Amrou, conduit devant le préfet, se rappela son rang et oublia sa situation : un maintien audacieux et un langage fier allaient déceler le lieutenant du calife, et la hache d’un soldat était déjà levée sur lui, prête à abattre la tête de l’insolent captif. Sa vie fut sauvée par la présence d’esprit de son esclave, qui, frappant son maître au visage, lui ordonna d’un ton irrité de garder le silence devant ses supérieurs. Le crédule Grec fut trompé ; il prêta l’oreille à la proposition d’un traité, renvoya ses prisonniers dans l’espérance de voir arriver à leur place une députation plus imposante ; mais bientôt les acclamations du camp annoncèrent le retour du général et insultèrent à la simplicité des infidèles. Enfin, après un siége de quatorze mois[1] et une perte de vingt-trois mille hommes, les Sarrasins l’emportèrent. Il ne restait plus dans la place qu’un petit nombre de Grecs, abat-

  1. Eutychius (Annal., t. II, p. 319) et Elmacin (Hist. Saracen., p. 28) s’accordent à fixer la prise de la ville d’Alexandrie au vendredi de la nouvelle lune de moharram, dans la vingtième année de l’hégyre (le 22 décembre, A. D. 640.) En comptant les quatorze mois passé devant Alexandrie, les sept mois passés devant Babylone, etc., il paraîtrait qu’Amrou commença l’invasion de l’Égypte vers la fin de l’année 638 ; mais on sait certainement qu’il entra dans ce pays le 12 de bayni (le 6 juin). (Murtadi, Merveilles de l’Égypte, p. 164 ; Severus, apud Renaudot, p. 162.) Le général Sarrasin, et ensuite Louis IX, roi de France, s’arrêtèrent, durant l’inondation du Nil, à Péluse ou Damiette.