Aller au contenu

Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les villes qu’avait négligées Tarik se croyaient imprenables, et d’intrépides patriotes dépendaient les fortifications de Séville et de Mérida. Musa marcha du Bœtis à l’Anas, ou du Guadalquivir à la Guadiana, assiégea ces villes et les soumit l’une après l’autre. Lorsqu’il vit les ouvrages de la magnificence romaine, le pont, les aquéducs, les arcs de triomphe et le théâtre de l’ancienne métropole de la Lusitanie : « On croirait, dit-il à quatre officiers de sa suite, que la race humaine a réuni tout son art et tout son pouvoir pour élever cette ville : heureux celui qui en deviendra maître ! » Il aspirait à ce bonheur ; mais les habitans de Mérida soutinrent en cette occasion l’honneur qu’ils avaient de descendre des braves légionnaires d’Auguste[1]. Dédaignant de se renfermer dans leurs murailles, ils attaquèrent les Arabes sur la plaine ; mais un détachement ennemi placé en embuscade au fond d’une carrière ou parmi des ruines, les punit de leur imprudence et coupa leur retraite. Musa fit alors conduire au pied des remparts les tours de bois qu’on employait dans les siéges : la défense de la place fut opiniâtre et longue,

  1. Les légionnaires qui restaient de la guerre des Cantabres (Dion-Cassius, l. LIII, p. 720) furent placés dans cette métropole de la Lusitanie, et peut-être de l’Espagne (submittit cui tota suos Hispania fasces). Nonnius (Hispania, c. 31, p. 106-110) fait l’énumération des anciens édifices ; mais il la termine par ces mots : Urbs hæc olim nobilissima ad magnam incolarum infrequentiam delapsa est et præter priscæ claritatis ruinas nihil ostendit.