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L’empire des califes. A. D. 718.

Vers la fin du premier siècle de l’hégyre, les califes étaient les monarques les plus puissans et les plus absolus de la terre. Ils ne voyaient leur puissance limitée de droit ou de fait, ni par le pouvoir des nobles, ni par la liberté des communes, ni par les priviléges de l’Église, ni par la juridiction du sénat, ni enfin par le souvenir d’une constitution libre. L’autorité des compagnons de Mahomet avait expiré avec eux, et les chefs ou les émirs des tribus arabes laissaient derrière eux, en quittant le désert, leur esprit d’égalité et d’indépendance. Les successeurs du prophète réunissaient au caractère royal le caractère sacerdotal ; et si le Koran était la règle de leurs actions, ils se trouvaient les juges et les interprètes de ce livre divin. Ils régnaient par droit de conquête sur les nations de l’Orient, qui ne connaissent pas même le nom de liberté, qui ont l’habitude de louer leurs tyrans des actes de violence et de sévérité dont elles sont les victimes. Sous le dernier des Ommiades l’empire des Arabes se prolongeait de l’orient à l’occident l’espace de deux cents journées, depuis les confins de la Tartarie de l’Inde, jusqu’aux rivages de la mer Atlantique ; et si nous retranchons la manche de la robe, pour me servir de l’expression de leurs écrivains, c’est-à-dire la longue mais étroite province de l’Afrique, une caravane devait employer quatre ou cinq mois à traverser, en quelque sens que ce fût, c’est-à-dire depuis Fargana jusqu’à Aden, et depuis Tarse jusqu’à Surate, cette portion de l’empire qui ne formait pour ainsi dire qu’un seul morceau solide